Une anthropologie du plaisir chez les motards

Fab Jeu 1 Nov 2007 - 0:12

Une anthropologie du plaisir chez les motards :
de l'anecdote à la réalité de terrain

Dès lors que nous souhaitons nous intéresser au cours d’une recherche en sciences humaines et sociales au thème du bonheur/plaisir il est nécessaire, dans un premier temps, de se demander pourquoi celui-ci est si souvent écarté de nos travaux ? Un postulat de départ, permettant d’amorcer la réflexion, sera de préciser l’apparence de légitimité supérieure d’un travail dès lors qu’il traite d’un « problème social » et non d’une « question sociale ».
C’est tout du moins ce que semble indiquer le travail que je mène actuellement sur la passion de la moto.
On peut en effet découvrir que cette dernière est le plus souvent sollicitée comme anecdote à but illustratif, et même plus comme caricature d’elle même, ce que l’on peut lire dans des travaux très divers dont les plus célèbres sont sans doute ceux de D. Le Breton et de P. Baudry.

1. Pourquoi/comment s’écarte-on de cette question du bonheur ?

Il semble exister une pression publique émanant d’une majorité de nos sociétés proposant une image des sciences sociales comme moyen. Elles devraient, dans cette perspective, être vouées à améliorer une situation posant une importante question sociale commune (dans mon cas la question de l’insécurité routière, ou encore celle de l’accident).
Cet objectif sous-jacent va ensuite se fondre dans le désir de proposer un texte susceptible d’intéresser un large auditoire.
Il est aisé de constater que le spectaculaire paye, au sein du texte ethnologique, comme dans d’autres domaines, le lecteur voit son attention attirée par ce premier. Cela mène alors à écarter le quotidien de nos recherches et à lui préférer l’extraordinaire, afin de nous accorder avec une certaine demande sociale.
C’est ce dernier que j’aborde par le biais de l’observation participante au sein du groupe des motards. Cette étude me permet de signifier une bipolarisation des représentations du groupe : un conflit existe entre un référentiel, que j’ai nommé la « moralité », et la passion telle qu’elle est effectivement vécue. La réalité de terrain mène à se questionner sur le statut du texte en sciences humaines et sociales, notamment en cherchant à cerner s’il ne constitue pas, peu ou prou, un agent de « moralité », un « entrepreneur de morale » nous dirait Becker. Une des armes les plus efficaces du référentiel de la moralité est la description du monde social à travers le prisme du stéréotype, la passion de la moto se limitant alors à sa part socialement condamnable.

2. La question du plaisir dans le cadre de la passion de la moto.

Un premier constat peut être tiré de l’observation de la pratique des motards : la notion de déplacement est ré-enchantée, il redevient un plaisir et non une nécessité. Cette dernière est généralement désignée à travers la figure de l’automobiliste auquel le motard s’oppose dans les discours, bien qu’il soit très souvent également automobiliste dans les faits. La moto n’est donc pas uniquement à aborder par le biais de la question du risque.

2.1 Perception du plaisir.

a. Surpasser le stéréotype : risque et plaisir.

Dans nos sociétés le risque est valorisé et valorisant, ce statut particulier dans nos représentations menant à éluder la question du plaisir au sein des discours sur l’action des pratiquants. La vitesse en est souvent la figure discursive : elle est saisie comme prise de risque, rarement comme plaisir, et se voit associée à l’idée de transgression. La réalité de terrain nous confronte pourtant à un paradoxe : les motards prônent une conscience du risque et l’exposent mais ne peuvent nier leur attrait pour la rapidité.
Ainsi, l’idée de mort est présente chez les pratiquants, comme chez tout être humain, mais est particulièrement mise en avant et évoquée sans tabou. L’usage de l’objet moto permet alors de réaffirmer la permanence du risque dans la vie.
Cette conscience du risque fait écho à la vulnérabilité absolue du motard, menant à la nécessité d’une prudence toute particulière, généralement rencontrée plus aisément dans les discours que dans les faits.
Pour incarner cette prudence le motard recherche en permanence la maîtrise, même s’il n’ignore pas qu’elle ne peut être totale et qu’il reste soumis aux aléas de la circulation comme de la vie.

b. Sens et sensations.

Si la recherche de maîtrise est une condition nécessaire à la passion de la moto celle-ci permet un plaisir qu’il est possible d’aborder à travers la façon dont sont sollicités les différents sens du motard.
Je détaillerai ainsi l’usage particulier des différents sens motards afin de qualifier le plaisir ressenti lors de la pratique. La vue, le toucher, l’odorat et l’ouïe sont en effet sollicités de façon particulière, en lien avec une notion importante : l’équilibre.

c. Un système symbolique : la dialectique homme/machine.

Le plaisir de la moto est dans la maîtrise de ses capacités (notamment de sa puissance). Cette dernière ne peut se faire qu’à travers l’habileté du motard, lui permettant de saisir la limite c’est-à-dire de mettre en œuvre un rapport plaisir/risque encouru satisfaisant. Cela va s’incarner dans les discours dans une recherche d’équilibre, tant réel que figuré, entre les capacités du motard et de sa machine, permettant de signifier la maîtrise du pratiquant dès lors que l’accident et la mort sont –temporairement- évités.

2.2. Accès au bonheur motard.

On constate sur le terrain un rapport à la virtuosité variant d’un individu à l’autre. Il est possible de les synthétiser à travers deux types extrêmes opposés, à la suite de Françoise Zonabend :
- le « kamikaze » : en recherche de risque pour prouver sa maîtrise il entre dans une logique de défi
- le « rentier » : faisant preuve de prudence il recherche l’évitement du danger, donc la sécurité optimale.
La réalité oscille entre ces deux pôles extrêmes et consiste le plus souvent en une combinaison variable de ces éléments.
Reste que la passion de la moto existe à travers un groupe, réuni par le biais d’un objet technique particulier. Ce dernier fait office de médiateur entre les hommes et crée un lien. Il sera traduit par le respect de valeurs communes. Pour cette raison les motards déclarent rechercher par leur pratique des rencontres « vraies », qui sont l’occasion de prendre plaisir à travers la fête et la convivialité.
Cette dernière réaffirme un principe fondamental du groupe : la solidarité. Incarnée par le salut motard, elle est la réponse du groupe à la vulnérabilité de ses membres. Cela reste un idéal et les faits sont, bien entendu, beaucoup plus contrastés et complexes.
Cette vulnérabilité toute particulière crée un statut particulier du groupe et du plaisir qui y est accessible, dans leur opposition au référentiel courant, c’est-à-dire à l’automobile, accusée de séparer les corps et les êtres, empêchant par là même le plaisir de la convivialité.

2.3. Un « nouveau » bonheur.

Au sein des discours motards le plaisir existe même lorsque les conditions sont défavorables, en réalité cet élément n’est généralement affirmé que de manière rétrospective. Cela reste signifiant car permet de cerner une autre raison au plaisir de la moto : la reconnaissance des pairs, à travers l’attribution de courage. L’affrontement de conditions défavorables permet en effet un surcroît de prestige aux yeux des semblables.
Au delà de cette recherche de reconnaissance, un constat s’impose à l’orée de la réalité constatée sur le terrain : se déplacer à moto relève bien plus de la recherche de plaisir que d’efficacité, rouler à moto étant une fin et non seulement un moyen. Ce type de moyen de locomotion permet en effet d’incarner une volonté de recherche d’un « contact direct » avec « l’environnement », selon des termes entendus à plusieurs reprises.
Ici encore la comparaison avec l’automobile s’avère significative : ne pas être enfermé dans une « caisse », c’est-à-dire être « libre », est un objectif premier, même si cette liberté est à pondérer au regard d’un investissement important (économique et social notamment).
Il s’agit alors de détacher l’image de la liberté du cliché Hollywoodien, souvent dénoncé dans les discours, pour comprendre la liberté comme un plaisir permis par la maîtrise de l’espace (ne pas être « enfermé », ne pas subir les embouteillages grâce au faufilage, etc.)
Le plaisir de la moto vient, de façon paradoxale, de sa grande vulnérabilité. Celle-ci est en effet due à son exposition, exposition au danger que peut représenter autrui mais exposition à autrui en premier lieu. Cette exposition ouvre une possibilité de contact avec l’environnement et si elle ne se confond pas toujours avec le bonheur elle crée un champ des possibles et rend ce dernier virtuellement à portée de main.

Gil Mer 5 Déc 2007 - 12:20

Tout ça on le savait.... mais on l'exprime SIMPLEMENT, en buvant de la bière avec nos copains....

Par chez moi on appelle ce genre de prose "tortiller du c... pour ch... droit"...

Mais bon, pour c'que j'en dis....

Faster-Peter Mer 5 Déc 2007 - 15:07

ouais ou un ptit jack , c'est suivant les gouts en fait ....

Gil : si un jour tu te mets a débiter des paroles comme ça au kilomètres, sachant qu'en temps normal t'as déjà une grande bouche ... je préfère te prévenir que j'ai l'oreille poreuse (ca rentre et ça ressort de l'autre coté intact).

Gil Mer 5 Déc 2007 - 18:54

Tu sais le grand respect que j'ai pour tes talents de mécanicien confinant au génie....
En plus permets moi de te signaler que nous sommes les deux seuls caldoches de ce site.... (enfin, bon, vous autres, là, vous êtes de Bourail, mais personne n'est parfait....)
Faster Peter, c'est pas moi qui t'avais trouvé ce surnom? Et en plus figure toi que sur mon portable tu es juste dessous (façon de parler...) un autre de mes amis, Fab', le bien aimé créateur de ce site...
Donc je ne répondrai pas aux misérables attaques dont tu me fais victime un peu plus haut...
Dernière fois...
Bon, c'est pas tout, tu as vu le topic sur les Camaro? Allez, un bon mouvement, va te présenter à la rubrique idoine, que les copains et les copines aient le même bonheur que moi: Te connaître....

Fab Mer 5 Déc 2007 - 23:38

Gil a écrit:
En plus permets moi de te signaler que nous sommes les deux seuls caldoches de ce site....

Ca, c'est pas vrai !!! Y'en a d'autres, à toi de les trouver !!!

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